Ce 1er novembre 2022, l’armée guinéenne a célébré ses 64 ans d’existence. Un anniversaire qui coïncide à la première année de gestion de la junte au pouvoir.
Pour moult observateurs, l’armée guinéenne est loin d’être républicaine compte tenu de plusieurs facteurs. Cependant, dans son allocution de circonstance, le Colonel Doumbouya a déclaré que: « la grande muette demeure le socle sur lequel repose la souveraineté de la nation et elle a forgé sa gloire en démontrant en toute épreuve sa bravoure, son génie, sa discipline et surtout son patriotisme ».
Pour faire le bilan de celle-ci, un de nos reporters s’est entretenu avec Tierno Monénembo, célèbre écrivain guinéen, qui a connu les premiers pas de la grande muette, qui d’ailleurs maîtrise parfaitement l’histoire de la Guinée.
De l’avis de l’auteur du roman les Crapauds-brousse, l’espoir s’est volatilisé au fil des années car « le rêve de 1958 est devenu un horrible cauchemar ».
« Pour moi, l’indépendance guinéenne ne se trouve pas dans les livres d’histoire. Elle est tout entière dans ma tête. Les évènements y ont la même force de présence que les images dans un livre. Je me souviens très bien de toutes les dates qui ont balisé notre jeune histoire nationale : le 28 Septembre, le 2 Octobre, le 1er Novembre 1958 (date de la création de l’armée), 1er Mars 1960 (date de la création du franc guinéen) etc…Je vois encore dans la cour de l’école primaire de Porédaka, notre maître, Monsieur Zézé Onipogui, nous apprendre à chanter l’hymne national. Toutes ces dates qui furent féeriques durant mon enfance, prennent aujourd’hui un arrière-goût de rouille. Et pour moi, de toutes les déceptions que nous avons connues (en vérité, nous n’avons connu que ça !), la plus cruelle vient de l’armée. Comment, mon dieu, cette armée qui comportait des officiers aussi prestigieux que le Général Noumandian Keita, le Colonel Mamadou Diallo, le Colonel Kaman Diabi, le capitaine Thierno Diallo s’est-elle laissé caporaliser par le PDG de Sékou Touré ? Un général qui obéit aux ordres d’un secrétaire de comité de parti, cela ne se voit qu’en Guinée ! Une armée qui viole ses propres sœurs en pleine journée, cela ne se voit qu’en Guinée ! Mais il n’y a pas que ça…Par deux fois, cette armée a fomenté un coup d’Etat contre un cadavre. Lansana a attendu la mort de Sékou Touré pour se hisser au sommet de l’Etat. A son tour, Dadis Camara a attendu la mort de Lansana Conté pour nous imposer son effigie et ses Dadis-shows. Où est la bravoure?», s’est-il interrogé.
« En 64 ans d’indépendance malgré les crises de toutes sortes auxquelles notre peuple a été soumis, notre armée n’a réalisé qu’un seul véritable coup d’Etat, celui du Colonel Mamadi Doumbouya. Hélas, cet officier que nous avions vivement applaudi n’a pas d’autre ambition pour son pays que de le ramener au système honni du sanguinaire Sékou Touré, c’est-à-dire au Camp Boiro, aux injures tribales, la Diète Noire et aux pendaisons publiques. Alors, quand il parle de bravoure, de génie, de discipline et de patriotisme, je ne vois pas de quelle armée, il parle. Moi, compte tenu de tout ce que je viens de dire, l’uniforme guinéen ne me rend pas fier, il me donne envie de vomir », ajoute-t-il.
Hadja Kadé Barry